L'état de ma bouteille d'eau suggère le lien à certains moments ...
Je
fonctionne donc a minima: tous les jours je me lave , me brosse les
dents et change de sous- vêtements . Pour le reste je dors habillée car
la rotation des quarts ( trois heures à la barre toutes les six heures ,
jour et nuit ) me rend zombie . Je m'économise. Je renonce même à mon
sacro -saint thé du matin . En prime les nausées ne me lâchent pas .
Les quarts, la nuit à la barre, sont des temps forts:
Barrer
, debout , pendant trois heures ,dans la nuit noire sans lune ni
étoiles , les yeux rivés sur le compas pour garder le cap suppose une
bonne concentration ... qui fatigue ...
Mais
barrer c'est aussi savourer les couchers et surtout les levers de
soleil . C'est voir en premier les dauphins qui jouent dans l'étrave de
notre bateau , c'est se guider parfois aux étoiles ,observer les
satellites , regarder les fugitifs planctons phosphorescents ...
Indescriptible
océan toujours courant, tout proche, jouant avec nous gentiment mais
avec une force ....indescriptibles sensations d'émerveillement , de
fascination .

Tout devient étrange :
une lumière peut être rassurante quand c'est celle des étoiles ,
inquiétante quand c'est un cargo qui va croiser notre route .
Manger
une salade en contemplant la mer , là , si près ,à cinquante
centimètres de moi ...cette immensité . Tous les actes du quotidien
deviennent inhabituels .
C'est pour
tout cela que je suis heureuse d'avoir vécu cette expérience . Mais , je
préfère vivre des petites traversées pour ne pas subir trop longtemps
les conditions drastiques imposées par l'océan .
Je
n'irai pas aux Antilles . Henri a bien compris à quel point j'avais été
malmenée . Nous restons donc aux Canaries qui sont un petit paradis .
Un
petit mot pour notre jeune co-équipier Anthony , toujours de bonne
humeur et plein de prévenance . Henri a aussi toujours répondu à mes
appels , avec beaucoup de patience et de gentillesse , même quand je le
réveillais pour m'aider à régler les voiles . Il nous a menés à bon port
en faisant les bons choix .
La
traversée s'est donc bien déroulée . C'est vrai que l'Océan majestueux
et libre est moins pénible que la Méditerranée capricieuse , qui semble
prisonnière des trois continents .
J'ai
simplement constaté que j'étais plus adaptée à la vie sur la terre
ferme que sur les mers . Je suis sereine car je crois que c'est le cas
pour la majeure partie de l'humanité .
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Arrivée à Lanzarote |
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