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dimanche 20 mars 2016

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Psychologie des équipages arrivés.

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En 1992, dans une interview au Sri Lankan Times, je disais:
« Au cours d'une traversée océanique, après quelques heures, on ne voit plus la côte. Le bateau devient alors un microcosme, un pays en soi, avec ses règles, son relationnel, , ses problèmes, ses joies et ses peines.
Aucune échapatoire possible ; 3,4 ou 5 personnes partagent le même destin, face à face, jour après jour, jouant, sans le vouloir quelque psychodrame, à la manière d'Agatha Christie, en essayant toujours d'éviter une issue dramatique.
Comme il n'y a pas de porte de sortie, du fait du lieu clos … le bateau devient alors un lieu idéal de sincérité et de relations humaines à leur apogée (…)  J'ai au cours de ces années navigué avec bon nombre d'équipage et nous avons toujours été très timide à nous retrouver par la suite à terre, peut-être parce que « à terre il n'est pas possible d'établir le même type de relation»
(cf : il y a plus d'un quart de siècle)


Un quart de siècle plus tard.

Un quart de siècle plus tard, je ne changerais pas un iota de ce qui est dit plus haut.
Dès leur arrivée à bord, j'avais expliqué cette situation à l'équipage et finalement la traversée s'est excellemment bien passée, il y avait à bord cette complicité unique et cette entente parfaite, qui permi de créer cette “proximité”, cette amitié toute particulière et rare qu'on ne rencontre que dans ces situations. Petit à petit, les barrières s'estompèrent et on devient une véritable équipe dans laquelle chaque individu est respecté pour ce qu'il est et ce qu'il fait. Disparaissaient alors les différences d'ages et de caractère.
En fait, à terre cette “complicité” marine que nous avons pu créer en mer, apparaitra comme génante, car inhabituelle. Lorsque les équipiers rentrent chez eux, peu de temps après, elle s'estompe alors assez rapidement .
Par contre, en restant à bord, les individualitsmes et égotismes reprenent le dessus. Plus l'harmonie était forte durant la traversée, plus on sent le besoin d'y mettre fin. On tente d'accélérer ce changement de mentalité en revendiquant sa personalité, son individualité, sa liberté. Cette “volonté d'accélération fera rejaillir certains traits psychologiques plus fondamentaux.
Du coup le skipper pourra apparaitre comme un “petit vieux, pesant et bordellique” alors que ce n'était pas du tout l'image qu'on en avait durant la traversée. Cela permet de justifier qu'il faille l'ignorer, voire l'oublier au plus vite. De la sorte on s'accapare aussi de “l'exploit”, qui cessera d'être celui de l'équipe entière, pour devenir le sien propre. On croit aussi pouvoir éviter par là, la déchirure affective de la séparation et le vide (et le chagrin) qu'elle pourrait générer.
Oh Oedipe tu n'est pas loin!
J'ai abordé ce sujet avec d'autres skippers et il me confirmèrent que ce genre de phénomène est classique et se produit très souvent une fois arrivé au terme du périple. D'où mon conseil, si vous embarquez des équipiers, terminez leur rôle rapidement après que le bateau touche terre. Au moins ainsi, le souvenir d'un équipage parfait ne sera pas entaché par une “mise à distance” tout aussi irrationelle qu'inutile.










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